Petit historique du bassin minier du Borinage et contributions Françaises

 

dans les houillères de Belgique.

 

Carte des concessions des bassins miniers du Nord, du Pas-de-Calais, du Boulonnais/Picard et du Borinage. Le borinage se situe au-delà de la frontière Française entre Quiévrain et Mons. Il partage encore de nos jours des liens très forts avec le Hainaut Français. Dans un passé maintenant bien lointain, il n’existait aucune frontière entre ces deux territoires. Ils faisaient parties d’une même entité « le comté de Hainaut » dont les principales villes étaient Valenciennes et Mons. Les autres bassins miniers de Belgique dépendaient en général du comté de Namur, du duché de Brabant, de la principauté de Liège et des Flandres.

carte issue de Wikipédia
carte issue de Wikipédia

L’ancien comté du Hainaut fondé au IXe siècle. Son nom vient de la rivière Haine affluent de l’Escaut. Il fut divisé en deux suite aux traités de Nimègue (1678) et d'Utrecht (1713).


Dans la région de Mons dite du « Borinage » ou « Couchant de Mons », l’exploitation du charbon (comme à Saint-Etienne) est très ancienne. Elle est connue grâce aux affleurements des veines de charbon. Certes ces derniers étaient les moins importants de Belgique (en comparaison aux régions de Charleroi et de Liège) et les « fourfeyeux » (fouilleur de sol) durent recourir rapidement aux fonçages de puits pour suivre la continuité des veines présentes à la surface. Dans le Borinage, on raconte la légende du chevalier Gille de Chin qui débarrassa la région d’un épouvantable dragon. Il légua à la ville de Wasmes dont il était seigneur  « Mille quatre cent bonniers de terres » pour favoriser l’extraction du charbon » vers 1113. De manière plus officielle, en 1245, une réglementation interdisait aux « fourfeyeux » l’extraction de nuit et pendant certaines saisons de l’année suite aux plaintes des fermiers qui voyaient leurs cultures dévastées. En France, dans le bassin houiller de la Loire (région de Saint-Etienne), les affleurements sont également connus depuis des siècles. Le charbon était glané par les « péreiroux » au moins depuis 1278. Après épuisement du gisement de surface, de petits puits étaient également creusés mais l’arrivée d’eau bloquait tous travaux en profondeur. Peu d’importance car il faut avoir à l’évidence que pendant des siècles le charbon fut concurrencé par le bois de nos abondantes forêts. De plus, il avait mauvaise presse et fut interdit dans plusieurs régions du globe. Il faudra attendre le démarrage de la révolution industrielle pour qu’il prenne véritablement son essor.

 

La révolution industrielle est liée à la naissance de la machine à vapeur. Le Français Denis Papin en donna le principe dès la fin du XVIIe siècle en créant notamment son digesteur ancêtre de l’autoclave (récipient à parois épaisses et à fermeture hermétique conçu pour réaliser sous pression la cuisson ou la stérilisation à vapeur). Denis Papin sera le premier à faire mouvoir un piston dans un cylindre à l’aide de la vapeur et en 1687, il donna le principe de la première machine à vapeur. En Angleterre, Thomas Savery mit au point en 1698 une des premières machines à vapeur pour le pompage des eaux des mines. En 1712, Thomas Newcomen (s’appuyant sur les travaux de Thomas Savery) construisit la première machine vraiment performante avec chaudière, cylindre et piston. Les machines à vapeur de Thomas Newcomen (nommées pompes à feu) seront les premières à être utilisées sur le continent. Elles permettront de pomper l’eau des galeries des mines de charbon. Les exploitations charbonnières pourront donc avec celle-ci s’approfondir. A partir de 1769, l’ Écossais James Watt s’appuyant sur les travaux de ses prédécesseurs créa une machine à vapeur avec condensateur qui permit l’action alternative de la vapeur sur les deux faces du piston. Cette dernière sera utilisée dans l’ensemble des industries (mines, filatures…).

En Belgique, les investisseurs Français ont activement participé à la création des sociétés charbonnières.

 

Cela peut s’expliquer par de nombreux faits historiques :

 

Rappelons-nous qu’entre le traité d’Aix-la-Chapelle de 1668 et les traités de Nimègue de 1678 (guerre de Dévolution et de Hollande où s’illustrera Louis XIV en devenant l’arbitre de l’Europe), les villes de Charleroi et de Binche notamment étaient devenues Françaises avec bien entendu les houillères. C’est dans ce contexte géopolitique qu’arrive dans la banlieue de Charleroi à Lodelinsart Gédéon Desandrouin (officier de Louis XIV en provenance de Clermont-en-Argon en champagne). Il développera la production du verre et l’exploitation charbonnière. Son fils Jean-Jacques Desandrouin qui était également capitaine de Dragon dans un régiment de l’armée Française sera à l’origine de la découverte du bassin minier du Nord en 1720.

 

Un peu plus tard lors de la guerre de succession d’Espagne, la ville de Mons est devenue à son tour Française entre 1701 et 1713 (traité d’Utrecht) ce qui permit aux capitaux français de s'implanter et d’écouler pour un temps le charbon de sa région à une époque où le déboisement de nos forêts avait atteint des proportions inquiétantes.

 

Au début des années 1730, le Borinage comptait environ 110 puits. En 1734, la première machine à vapeur avait été installée dans la commune de Pâturages deux ans après celle de Fresnes-sur-Escaut dans le Nord. En 1782, une machine à feu de la compagnie des mines d’Anzin a été démontée et remontée à Bernissart. Le bâtiment abritant celle-ci existe toujours de nos jours. Il a été reconverti en logement puis en musée.

 

Le territoire Belge fut annexé par la France révolutionnaire en 1795 et cela va durer jusqu’à la fin du 1ère empire en 1815. Elle sera divisée en 9 départements. Le Hainaut Belge était devenu au cours de ces deux décennies le département Français de Jemmapes. Nom donné en l’honneur de la victoire de l’armée Française dans la commune de Jemmapes (banlieue de Mons) contre l’armée autrichienne quelques années auparavant le 6 novembre 1792. Les français réalisèrent d’importants travaux d’infrastructures notamment le creusement du canal de Mons à Condé qui permit au charbon du Borinage d’atteindre l’Escaut pour s’écouler en France en complément de nos bassins miniers car à partir de 1806, il y avait le blocus continental contre l'Angleterre.

 

C’est également au cours de cette période que le Français Henri de Gorge originaire d’Orsinval rachète en 1810 le site du grand Hornu en faillite. En quelques années le grand Hornu deviendra un des fleurons de l’industrie minière avec ses fosses d’extraction, sa cité ouvrière construite dès 1816, ses ateliers construits en 1827 et son chemin de fer construit en 1830 pour relier le canal Mons-Condé. La législation sur les concessions minières établie sous Napoléon 1er (l'état devenant propriétaire du sous-sol) restera en vigueur après l'ère française.



Statue d'Henri de Gorge au centre du site du grand-Hornu

Après avoir était Bourguignonne, Espagnole, Autrichienne, Française, puis Hollandaise, la Belgique a accédé à l’indépendance en 1830. Une conférence avait réuni à Londres l’Autriche, le Royaume-Unis, la France, la Russie et la Prusse pour valider la création de la Belgique en tant que nation. Suite à la réaction de la Hollande, Leopold 1er roi des belges avait notamment fait appel à l’armée française pour que les troupes Hollandaises se retire du pays.

 

Au cours des années 1830 sera créée la société anonyme des charbonnages de Bernissart dont son puits N° 2 restera dans les annales. Dans celui-ci en 1878, les mineurs borains Jules Creteur, Alphonse Blanchart ainsi que le chef porion Cyprien Ballez ont mis au jour ce qui reste encore aujourd’hui une des plus célèbres découvertes paléontologiques mondiales. A la fosse Sainte-Barbe (puits N°2) en creusant une galerie à 322mètres de profondeur, ils ont découvert 29 squelettes d’Iguanodons fossilisés de la période du crétacé.  De 1878 à 1881, les fouilles seront réalisées par le musée Royal d’histoire naturelle de Belgique. Elles révélèrent également plus de 3000 fossiles de poissons, plusieurs tortues, salamandres et crocodiles ainsi que de nombreux fragments de plantes.

 

                                  Ci-dessous photos du musée de Bernissart.

C’est également en 1878 qu’arrive dans la commune de Wasmes le futur peintre Vincent Van Gogh qui était à cette époque jeune pasteur Hollandais venu évangéliser le Borinage. Il descendra au fond du puits de Marcasse pendant plusieurs heures à 700 mètres de profondeur pour connaître les terribles conditions de travail des mineurs. Il sera également présent lors de la plus grande catastrophe minière du Borinage à Frameries. En 1879, un coup de grisou causa la perte de 121 mineurs au puits n°2 ainsi que de nombreux blessés.

 

La plus importante catastrophe minière de Belgique se déroula en 1956 à Marcinelle (bassin de Charleroi) au charbonnage du Bois du Cazier. Elle causa la perte de 262 mineurs.

 

Avec  la crise des années 1930, une terrible grève se déroula en 1932 suite à la fermeture de nombreuses fosses du Borinage. Elle fut immortalisée par les cinéastes Henri Storck et Joris Ivens dans un film documentaire « Misère au Borinage ». L’outillage exceptionnel du XIXe siècle deviendra vite vieillissant au XXe siècle (car très surmené par les Allemands au cours de la grande guerre puis du second conflit mondial) et malheureusement très peu modernisé. Le bassin continua sa longue agonie commencée au cours des années 30 avec la fermeture progressive de ses fosses. La dernière mine du Borinage fermera ses portes le 31 mars 1976.

 

Les mineurs de la fosse Ledoux de Condé-sur-l’Escaut (France) avaient obtenu une dérogation pour exploiter quelques années le charbon sous les communes de Bernissart et Hensies sans tenir compte de la frontière (traité de 1957 signé à Bruxelles).

 

Entre les premières fosses artisanales et les dernières gaillettes avec la fermeture du puits Sainte-Catherine (Roton-Farciennes) en 1984 pour la Wallonie, des générations de mineurs ont contribué à la richesse industrielle de la Belgique.

 

En 2012, trois sites miniers du Hainaut (Le Grand-Hornu, le Bois du Luc, Le Bois du Cazier et un site du bassin de liège (Blegny-Mine) ont été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.

 

Ancien puits Saint-Ferdinand de Frameries avec son terril.

Pour rappel, la Belgique avait cinq bassins miniers. Le Borinage, le centre, Charleroi et Liège pour la Wallonie et Campine pour les Flandres. Ce dernier a fermé ses portes en 1992. Le bassin minier du centre (région de La Louvière à l'Est de Mons) se trouve également dans l'ancien comté du Hainaut mais était de moindre importance.

La famille Desandrouin

Celle-ci est originaire de Clermont-en-Argonne qui était située sous l'ancien régime dans la province de Champagne (à quelques km de Verdun).

Gédéon Desandrouin (1640-1735) officier de Louis XIV s'installera à Lodelinsart au XVIIe siècle après la prise  de la ville de Charleroi par les Français. Il y développera l'exploitation charbonnière est du verre.

Il aura quatre fils nés à Lodelinsart : Jean-Jacques Desandrouin (1681-1761), Jean-Pierre  Desandrouin (1686-1764), Jean-Antoine Desandrouin (1690-1722) et François Joseph Desandrouin (1695-1731).

Jean-Jacques (qui était capitaine d'un régiment de Dragon de l'armée française) et Jean-Pierre (propriétaire d'une verrerie à Fresnes-sur-Escaut) contribueront tous deux à la découverte du charbon en 1720 dans le Hainaut français.

Jean-Antoine et François-Joseph ont participé eux au développement de l'exploitation charbonnière dans l'ancienne province de Picardie à Hardinghen et construiront également une verrerie.

Pour finir, deux petits-fils de Gédéon (fils de Jean-Jacques) prirent le relais de l'empire industriel de la famille: Stanislas Desandrouin  (1738-1821) et François Joseph Théodore Desandrouin (1740-1802). Ce dernier sera député de la noblesse lors des états généraux de 1789.