Les grandes figures de la mine de Denain.

Emile Basly:

 

Emile Basly est né à Valenciennes en 1854. Il était le fils d'un tonnelier et d'une hercheuse (ouvrière chargée de ramener au fond de la mine les berlines de charbon vers le puits). Orphelin très jeune, il est confié à un mineur de Denain. A 12 ans, il entre comme galibot à la fosse Villars de Denain puis deviendra hercheur et enfin ouvrier du fond. En 1880, la compagnie d'Anzin le renvoie après la grève, pour la première fois un collectif s'est opposé publiquement à la compagnie. Emile Basly s'était présenté comme le délégué des mineurs. Par la suite, il tiendra un cabaret « Au XIXe siècle», situé face au coron Jean Bart puis devint conseiller municipal en 1883. Lors de la grande grève de 1884 (dont Zola s'inspirera pour son roman Germinal), il se fait le porte-parole des mineurs en tant que secrétaire de la chambre syndicale des mineurs du Nord. Il portera les revendications des mineurs d'Anzin auprès des députés Parisiens et des autres bassins miniers Français. En 1885, il est élu député de Paris où il participe à l'élaboration de la loi sur les délégués à la sécurité en 1890. En 1891, il devient le dirigeant du syndicat des mineurs du Pas-de Calais et est élu député à Lens. Il conserve ce mandat couplet avec celui de maire de Lens à partir de 1900 jusqu'à sa mort en 1928.

 

Emile Basly aura comme compagnon de lutte Arthur Lamendin (Lourches  1852 - Neuville-sur-Escaut 1920) embauché aux mines de Douchy à l'âge de 9 ans et descendu dès l'âge de 12 ans. A 23 ans, il arrive dans le département du Pas-de-Calais et travaille aux mines de Liévin. En 1882, il fut le premier secrétaire de la chambre syndicale des mineurs du Pas-de-Calais. Il est également maire de Liévin de 1904 à 1912 et député de 1892 à 1919.

Emile BASLY
Emile BASLY
Arthur Lamendin le compagnon de lutte d'Emile Basly
Arthur Lamendin le compagnon de lutte d'Emile Basly

Jules Mousseron:

 

Jules Mousseron est né à Denain le 1er janvier 1868 au « coron plat ». Sa mère Marie-Josèphe Fleurent était également native de la région. Son père François (enfant de l'assistance publique de Paris) avait été envoyé à Denain pour travailler à la mine. Il était surnommé à la fosse « le parigot ». Le couple aura 5 garçons : Edouard (coiffeur à Paris), Léon (peintre en bâtiment à Escaudœuvres), Jules (ouvrier mineur), Joseph (épicier à Liévin) et François (décédé en bas-âge). 

 

Jules a commencé sa carrière comme galibot à la fosse Renard de Denain à l’âge de 12 ans. Son père décède le 18 octobre 1882... Sa mère peut conserver le logement du coron Jules étant embauché à la compagnie… On subsiste dans la misère… Le dimanche, il parcourt les bals (avec un large panier) pour vendre des bonbons et des oranges… Il est également important de préciser que très jeune, il a été victime (au fond) d’une importante brûlure à la hanche puis (avec un de ses camarades), il fut pris dans un éboulement…

 

« J’ai ouvré dins ces contrées. J’ai même failli y morir : Blessé deux fos l’même année, j’ai su c’qué ch’étot d’pâtir. L’premièr’fos, brûlé del pourre muché’par des imprudents, j’sus sauvé, grâce à l’bravoure d’Nectout, galibot vaillant. L’deuxièm’fos, j’ai eu l’bon beurre. Restaplé sou l’éboul’mint, sans un miraque y a belle heure qué j’aros pus mal aux dints ! » (La terre des Galibots 1923)

 

Au cours de sa carrière, il accomplira pendant 46 ans (à la fosse Renard), les étapes traditionnelles du parcours du mineur : galibot, r'leveux à tierre, freinteur, déballeux d'balles, hercheux, ouverrier à l’veine puis il est devenu (assez rapidement) raccomodeu. 

 

Parallèlement à son travail, il se passionna pour la littérature. Il a d'abord écrit en français (on retrouve notamment en 1894 dans « La revue Stéphanoise » son très beau poème « Vous reviendrez demain ») puis en "Rouchi" (Picard du Valenciennois) sur les conseils du Denaisien André Jurénil.

 

« Vous reviendrez demain »

 

Comme un funèbre chant, la bise d'hiver pleure.

Sur les volets bien clos s’abat le dur grêlon ;

Mais le froid ne peut rien en la riche demeure...

Là, l’heureux qui s’endort peut braver l’aquilon.

 

Soudain, près de la porte, arrive, comme une ombre,

Une fille en haillons, grelottante de froid.

Sous ses cheveux épars, sortant d’une pénombre,

Son œil semble agrandi par un secret effroi.

 

Et le stupide vent de la douleur se joue,

Fait tournoyer la neige en d’innombrables fleurs

Qui viennent s’étaler sur le lys de sa joue,

Posent leurs froids baisers, puis fondent sous des pleurs.

 

Elle avance, craintive, elle frappe à la porte.

Une dame apparaît, et l’enfant tend la main.

Mais on referme l’huis et l’écho lui rapporte :

"On n’est pas vendredi, vous reviendrez demain."

 

Et l’ombre disparaît. Les heureux de ce monde

Font parfois charité, mais, hélas ! Faussement...

Ils donnent pour la forme, et la misère abonde.

La charité bien vraie est prête à tout moment.

                                                                                                    

"Tu reviendras demain". O riche inéquitable !

Si la pauvrette meurt, tu seras criminel ! ...

Donnons, amis, donnons.  Seul, l'être charitable

Goûte ici-bas, déjà, les biens de l’Éternel.

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« J’ai fort quièr el français, ch’est l’pus joli langache, comm’j’aime el biau vêt’mint qué j’mets dins les honneurs. Mais j’préfer’ min patois, musique’ dé m’premier âche qui, chaqu’jour, fait canter chu qu’a busié min cœur. Dins l’peine, un mot patois nous consol’ davantage ».  (Autour des terris 1929)

 

En un demi-siècle, il a publié 12 recueils (en Picard);

 

-Fleurs d'en bas  (1897)                                                              

-Croquis au charbon  (1899)

-Feuillets noircis  (1901)

-Coups de Pic et coups de plume (1904)

-Au pays des corons  (1907)

-Eclats de gaillettes (1913)

-Les boches au pays noir (1919)

-La terre des galibots (1923)

-Les fougères noires (1926)

-Autour des terris  (1929)

-Mes dernières berlines  (1933)

-Dans nos mines de charbon

(1946 poèmes posthumes)

 

Il faut également ajouter les monologues suivant parus sous forme de livret :

 

Cafougette à Paris (1899), Souvenirs d'une excursion en Suisse (1907), Cafougnette à Ostende (1927), Cafougnette à Bonsecours (1930), Cafougnette garde-champêtre (1930), Cafougnette in aéroplane (1943)

 

L'ensemble de l'œuvre représente plus de 350 poèmes, chansons et monologues qui reposent sur la vie du mineur. Ses livres ont été vendus à plus de 100 000 exemplaires ! On retrouve parmi ses personnages le célèbre "Zeph Cafougnette"! Dans son œuvre, il est présent dans environ 60 poèmes !

 

Jules Mousseron organisa de nombreuses soirées « bachiques » dans les cabarets. Il était d’usage entre mineurs, d’organiser une quête au profit d’ouvriers malades ou blessés.

 

« Nous f’sons parfos eun’tiot soiré’ chantante pou v’nir in aide à quelqué malhéreux. Cha réussit à mervelle, j’m’in vante, grâce à d’bonn gins et d’dévoués canteux. Pindant l’concert, in fait d’timps i n timps l’quête.     T' qu’à tros chints francs ch’a quéqu’fos rapporté. Tout pa gros sous, ch’t’eun’ somm’assez rond’lette : au pays noir in aime l’charité. Ch’t’au cabaret qu’in fait l’soiré’ bachique ». (Croquis au charbon 1899)

 

Il participa également à « mille concerts » dans la région (Anzin, Denain, Valenciennes, Lens, Douai, Saint-Amand-les-Eaux, Lille, Liévin, Lourches, Saint-Quentin, Zuydcoote…) et bien au-delà (Bruxelles, Charleroi, Strasbourg, Nancy, Sarrebruck, Liège, Ostende, Médan…). Témoignage de sa sensibilité, toute sa vie, il eut le « trac ». Trois jours avant chacune des représentations, il avait les nerfs tendus (Manoel Gahisto, La vie de Jules Mousseron, essai biographique). Au cours de celle-ci, il était toujours vêtu de ses « loques ed’fosse » (sabots, toile grise, lampe suspendue à sa ceinture et barrette en cuir).

 

« Dins eun’ grand’fiête ed bienfaisance, a Paris in m’avot d’mandé. Ch’étot pou l’veuv’ d’un f’seu d’romances qu’on f’zot c’concert de charité. Comme in loques d’foss’ ej’m’habille pour réciter mes productions, dins l’log d’eun’artiss’, eun’jonn’fille, et’ m’install’. J’avos l’permission. Peur ed’salir, j’insatlle à tierre mes agobilles d’carbonnier : Barrett’lamp, chabots, t’nue intière comm’ jé l’mets pour aller ouvrer ». (Coups de pic et coups de plume 1904)

 

Il est fait chevalier de la légion d'honneur en 1936. Il avait déjà reçu quelques années plus tôt les palmes académiques. 

 

Très affecté d'abord par la mort de sa femme Adélaïde Blottiau (1871-1939) puis par le nouveau conflit mondial, il décède en 1943. Sa femme lui avait donné 4 filles : Hélène, Marie (emportée par la méningite), Denise et Anaise.

Jules MOUSSERON
Jules MOUSSERON

François Lefebvre et Arthur Brunet:

 

François Lefebvre est né à Villers-en-Cauchies le 5 mars 1871. Le 6 mars 1883 (à 12 ans et un jour) il débuta sa carrière professionnelle à la fosse Renard de Denain. Au retour de son service militaire, de retour à Denain, il s’investit dans le domaine syndical (il deviendra notamment Président du syndicat des mineurs d’Anzin). Il œuvra également à la création de coopératives (la brasserie ouvrière, la fraternité…). Ces dernières étaient des structures gérées et créées par les ouvriers eux même sans patron. Durant la grève de 1906 à la suite de la terrible catastrophe des mines de Courrières, la coopérative « la fraternité » fabriqua pour le comité de grève tout le pain qu’ils demandaient au prix de revient moins les frais généraux. Elle deviendra en 1920 « l’union des coopérateurs de Denain ». Pendant cette grève, François Lefebvre participa aux réunions générales des mineurs de la section de Denain en qualité de délégué. Ces réunions se déroulaient au « bar central ». Comme de nombreux syndicalistes, il sera licencié de la compagnie des mines d’Anzin...

 

Sur le plan politique, il était conseiller municipal de la ville de Denain de 1904 à 1911. Il fut ensuite élu Maire de 1912 à 1935 puis député de 1914 à 1932. Durant son mandat, il sera à l’origine de la construction du centre hospitalier de Denain. Il décède le 14 mars 1956.

 

Son successeur à la mairie en 1935 est Arthur Brunet (né le 1er novembre 1897). Il était également ouvrier mineur syndicaliste. En 1941, à la suite de la grande grève des mineurs contre l’occupation, il sera arrêté puis fusillé à la Citadelle de Lille le 26 septembre 1941.

François LEFEBVRE
François LEFEBVRE
Arthur BRUNET
Arthur BRUNET

Evrard Florent:

 

Né à Denain le 13 mai 1851 au coron de la Bellevue. A huit ans, il devient galibot à la fosse Lambrecht de Wallers située à quelques centaines de mètres du quartier minier Denaisien de "la Bellevue". Très tôt, il milite aux côtés d'Emile Basly pour la création d'un syndicat des mineurs. En 1883, il sera licencié de la compagnie des mines d'Anzin.

En 1889, il est embauché aux mines de Meurchin où il deviendra délégué à la sécurité. Il est conseiller municipale de Bauvin de 1889 à 1892. En 1892, il devient secrétaire général du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais. Il sera membre du comité de la fédération des mineurs de France de 1898 à 1903.

 

Il recevra la légion d'honneur le 14 janvier 1907. Il meurt à Paris le 21 janvier 1917. Au total Evrard Florent aura travaillé 28 ans au fond de la mine. 

 

Florent EVRARD
Florent EVRARD

Eugène Fenzy:

 

 

Eugène Fenzy est issu d'une famille de mineurs de Denain. Il est né le 7 juin 1871 au coron plat. En 1890, il intègre l'école des mines de Douai et devient par la suite contrôleur des mines. Il participe en 1906 à l'organisation des secours pendant la catastrophe des mines de Courrières. Au cours de la première guerre mondiale, il est chargé du département "contre les gaz de combat" et met en service deux appareils respiratoires autonomes. Directeur du poste central de secours de Lens de 1919 à 1934, il sera à l'origine de l'appareil "Fenzy 22" qui équipera les mines Françaises pour l'intervention des sauveteurs lors des catastrophes. En 1934 , il prend sa retraite pour fonder avec son fils à Arras une entreprise d'appareils respiratoires. Il décède le 30 août 1947.